samedi 24 décembre 2011

25.000 logements publics bruxellois en 3.600 jours (lettre bimestrielle, numéro 14). Novembre-décembre 2011.

Les accords gouvernementaux régionaux bruxellois du 12 juillet 2009 prévoient une augmentation radicale du nombre de logements publics par "une norme à atteindre dans les 10 années à venir de 15% de logements de qualité à gestion publique et à finalité sociale".

Cette lettre bimestrielle a pour objectif d'être un aiguillon pour favoriser une réalisation optimale des objectifs. Actuellement, environ 37.000 ménages sont sur les listes d'attente du logement social bruxellois.

Ceci constitue un besoin d'autant plus important que, selon les statistiques disponibles (document de Bruxelles-Environnement citant en page 73 des données d'autres organismes), le nombre de logements sociaux en région bruxelloise de décembre 2003 à décembre 2008 n'a pas augmenté, mais a diminué passant de 39.100 à 38.526.

Le calcul du nombre réel de logements à créer varie énormément selon les estimations (voir lettre de novembre 2010). La présente lettre se base sur un nombre de 25.000 logements. Dans ce nombre, il a été tenu compte des logements mis à disposition par les agences immobilières sociales (A.I.S.) même s'il ne s'agit pas au sens strict de logements à gestion publique. Par contre, il n'a pas été tenu compte des prêts de logement, car ils concernent des immeubles à gestion totalement privée.

La construction de quelques centaines de logements se termine. 316 logements sont achevés à Ixelles et 200 logements à Anderlecht. Ces 516 logements constituent, jusqu’à présent, l'avancée la plus importante de la législature en termes de création de logements à vocation sociale. Pour la première fois depuis fort longtemps, au cours des deux derniers mois, le nombre de logements publics mis à la disposition de personnes en difficulté a été égal ou supérieur au nombre de nouveaux demandeurs durant la même période. C'est donc une très bonne nouvelle sociale bruxelloise.

Par contre, malheureusement, les nouveaux chantiers actuels sont encore trop peu nombreux pour pouvoir assurer l'indispensable progression nécessaire pour répondre aux besoins. Pour que l'objectif décennal régional puisse être réalisé, un changement radical sera nécessaire vu la croissance rapide de la population bruxelloise. Donc, l'objectif de 15 % de logements publics suppose un nombre de plus en plus élevé de logements à créer. Une des pistes de solution envisagées est que les promoteurs privés mettent à disposition des opérateurs publics certains de leurs nouveaux logements. Ce mécanisme permettrait également plus de mixité sociale. Le temps presse. Pour avoir une efficacité dans un délai utile, il y aurait lieu de prévoir que des règles nouvelles à ce sujet s'appliquent aussi aux projets déjà en cours. A ce jour, aucune modification législative n'a encore, semble-t-il, été adoptée ou envisagée.

Dans les accords figure également le principe de la réaffectation de bureaux vides et de la transformation d'immeubles à l'abandon en logements à vocation sociale. Rien de concret n'a encore été réalisé jusqu’à présent alors que l'accord mentionnait explicitement le court, moyen et long terme. Cependant, des projets de transformation de bureaux en logements sont en cours de subsidiation. D'après le cabinet du Secrétaire d’État Christos Doulkeridis, 450 logements sont concernés, mais la date de finalisation des travaux est encore inconnue.

Ci-dessous, seuls les logements effectivement mis à disposition sont comptabilisés: les chantiers, projets en cours de marché public,... ne sont pas repris.

État de la réalisation des 25.000 logements en 3.600 jours (connu au 15 décembre 2011) (ce mode de calcul ne prend pas en compte les prêts sociaux):

Nombre total de logements publics nouveaux réellement créés: aux alentours de 2.000. Composé comme suit:
  • Nombre de logements publics nouveaux construits depuis le début de la législature dans le cadre du plan dit des 5000 logements: 902
  • Nombre de logements publics créés à partir de bureaux transformés: 0
  • Nombre de logements publics créés à partir de logements et autres immeubles abandonnés: 0
  • Nombre de logements publics créés par d'autres moyens (acquisitions, locations, contrats de quartier...): non connu avec précision, peut-être aux alentours de 550
  • Nombre de logements privés mis à disposition par les A.I.S.: non connu avec précision, probablement aux alentours de 700
  • (-) Suppressions de logements publics (acquisition par les locataires, destructions, transformation-rénovation de petits logements en logements plus grands mais moins nombreux...): non connu avec précision, probablement aux alentours de 100
  • Temps écoulé : 28 mois depuis les accords politiques (29 mois depuis le début de la législature)
  • Temps restant pour achever la mise à disposition des logements : 91 mois
  • Nombre total de logements publics qui, logiquement, auraient dû être créés durant le temps écoulé (sur la base de la mise à disposition de 200 logements par mois): 5.800
  • Somme minimale économisée par les autorités régionales ou locales bruxelloises aux dépens des personnes qui occuperaient les logements sur base d'un coût de 105.000 € par logement: environ 400 millions d'euros

Informations complémentaires:

- Le texte de l'accord de gouvernement 2009-2014 du 12 juillet 2009 est accessible à la page http://www.parlbruparl.irisnet.be/images/imgparl/accords2009/accordsfr.pdf.

- Un site officiel http://www.planlogement.be avait été réalisé par le Secrétariat d’État bruxellois au Logement et à l'Urbanisme durant la législature précédente. Le contenu de ce site a été supprimé et le nom de domaine est aujourd'hui en vente.

Si vous communiquez des informations pertinentes, elles seront diffusées dans la prochaine lettre.

Didier Coeurnelle, conseiller communal à Molenbeek-Saint-Jean

Source de l'image: immeuble Mirador, Madrid

mercredi 21 décembre 2011

La mort de la mort. Numéro 32. Novembre 2011.

Les études sur le vieillissement n’ont jamais été aussi dynamiques. On sait déjà multiplier par quinze l’espérance de vie d’un ver. Quelles perspectives pour l’homme? Le Monde, samedi 12 novembre 2011, supplément sciences et techniques.



Thème du mois : perception des progrès technologiques par les citoyens

Ce n'est pas du jour au lendemain que cette affection incurable qu'est le vieillissement humain se transformera en une maladie seulement mortelle si elle n'est pas soignée. Même si les progrès scientifiques continuent sans faiblir, des millions d'heures de recherche, des milliards d'euros d'investissement et des années de travail seront nécessaires.

Mais dans la perception des citoyens et même des spécialistes, certaines étapes médicales frappent plus les esprits que d'autres.

Il en alla ainsi, en décembre 1967, de la première transplantation cardiaque. C'était aussi le cas il y a déjà plus d'une décennie, du déchiffrement complet de l'ADN. Il pourrait en être ainsi de la découverte - encore à confirmer cependant - par Jean-Marc Lemaitre et son équipe de l'Institut français de génomique fonctionnelle sur la "reprogrammation" de cellules de centenaires (voir aussi ci-dessous, la bonne nouvelle du mois).

Souvent, le changement de perception est cependant progressif. Petit à petit, les témoins de l'histoire que nous sommes tous en viendront à considérer ce qui pour eux était impossible comme un progrès scientifique possible à long terme.

Pour les citoyens européens ou américains qui ont plus de 50 ans, la première fois qu'ils ont lu que nous pourrions un jour téléphoner par un appareil dans notre poche, ils ont pensé à un transmetteur de science-fiction imaginé par les créateurs de Star Trek ou encore à un appareil tellement sophistique qu'il resterait accessible seulement à quelques milliardaires. Les plus imaginatifs se sont demandés si un tel réseau nouveau ne menacerait pas les droits des citoyens à la vie privée. Mais aucun n'a envisagé qu'ils auraient en moins de 20 ans pour un prix inférieur à un mois de salaire minimum un téléphone / montre / réveil matin / calculatrice / journal / télévision / ordinateur surpuissant capable de traduire du chinois vers le japonais un plan de la ville indiquant son positionnement précis.

Alors que le "téléphone intelligent" ne coûte plus que quelques centimes par heure en terme de communication, les mêmes citoyens, lorsqu'ils doivent attendre quelques minutes pour un accès à Wikipédia seront nombreux à se plaindre d'une atteinte à leurs droits à l'information. Même les craintes affirmées de certains environnementalistes par rapport aux ondes nocives n'empêchent pas l'immense majorité des concernés d'utiliser un téléphone mobile. Chez beaucoup, il y a plus une posture intellectuelle de prudence vis-à-vis du changement qu'une réelle conviction. De gauche à droite, du nord au sud, presque tout le monde utilise un portable.

Toute avancée technologique n'est cependant pas une avancée socialement souhaitable. Ainsi, dans le domaine militaire, les développements d'armes nucléaires miniaturisées, de drones (avions sans pilote) de plus en plus autonomes et performants et de logiciels d'intelligence artificielle capables de décider la mise à mort "d'adversaires" ne seront - heureusement - considérés par l'opinion publique au mieux que comme un mal nécessaire.

Mais pour les questions de longévité, il y a une autre attitude. Pour certains, il ne s'agit plus d'empêcher des adversaires de profiter mais d'interdire à des compatriotes de vivre plus longtemps "pour leur bien" parce que c'est "contre la nature", parce qu'ils s’ennuieraient,

Cette attitude de souhait de la mort de vieillissement est causée par de multiples éléments qui ne seront pas développés ici. Mais une raison fondamentale simple peut être synthétisée en une phrase : Tant que la mort de vieillissement est inévitable, la manière la plus efficace de ne plus la percevoir comme insoutenable, c'est de l'affirmer souhaitable".

Il y a moins de deux siècles, lorsque les enfants mouraient en masse en bas âge et que la vaccination fut inventée, des scientifiques s'opposèrent car la mort des enfants était naturelle et qu'il ne convenait pas de s'y opposer.

Aujourd'hui l'opinion publique considérerait très probablement comme criminelle une autorité réclamant le retour à une mortalité infantile de 30 %, même si c'était, par exemple au nom de la limitation de la population.

Après-demain, si les progrès médicaux se poursuivent, si des thérapies permettent de vivre beaucoup plus longtemps en bonne santé, l'opinion publique pourrait percevoir une attitude d'opposition avec, non pas de l'étonnement, mais bien de l'indignation. Les déclarations de quelques dirigeants religieux ou adeptes du "bon vieux temps" qui réclameront que les personnes âgées continuent à souffrir pourraient être considérées comme une remise en cause du droit le plus fondamental d'un être conscient : le droit à la vie. Vouloir que les personnes âgées souffrent de la maladie d'Alzheimer, d'ostéoporose, se dégradent progressivement allant péniblement, comme chantait Jacques Brel, "Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit" pourrait devenir une sorte d'appel à mauvais traitement. L'objectif civique adéquat ne serait plus de s'opposer à une vie en bonne santé beaucoup plus longue mais bien de veiller à l'accessibilité à tous.

Un des principaux moteur du changement d'attitude vis-à-vis d'une évolution est donc la perception de son accessibilité. Aller sur la lune n'est pas devenu technologiquement plus aisé lorsque Kennedy a déclaré le 12 septembre 1962 que l'objectif serait atteint mais c'était devenu psychologiquement plus réalisable (et ce fut réalisé le 20 juillet 1969).

Bien sûr, le plus important est la poursuite de recherches qui permettront à ceux qui le souhaitent de vivre beaucoup plus longtemps. Les progrès dans ce sens sont multiples et polymorphes. Mais pour que le droit à la vie des personnes avançant en âge soit demain plus un droit fondamental de l'homme qu'aujourd'hui, il faut également informer l'opinion publique des progressions médicales.


La bonne nouvelle du mois: des cellules de centenaires deviennent pluripotentes

Le professeur Lemaitre et son équipe seraient parvenus à transformer des cellules de patients âgées en cellules-souches, c'est-à-dire en cellules susceptibles de se reproduire sans limitation et potentiellement de produire des organes et tissus de toutes les parties du corps. Le patient le plus âgé dont les cellules ont été "régénérées" avait plus de 100 ans.

Le résultat aurait été obtenu en injectant dans les cellules de ces personnes âgées un "cocktail" de six gènes. En conséquence, les cellules n'auraient plus de marqueurs visibles de vieillissement.

L'article intégral relatif à cette expérience n'est pas encore disponible en ligne de manière publique.


• Pour en savoir plus de manière générale: http://sens.org/, http://imminst.org/,
http://heales.org/ et http://immortalite.org/
• L'étude du professeur Lemaitre est intitulée Rejuvenating senescent and centenarian human cells by reprogramming through the pluripotent state. Elle sera accessible à partir de la page http://genesdev.cshlp.org/content/future/25/21. Voir aussi notamment un article de vulgarisation émettant certains doutes: http://www.journaldelascience.fr/biologie/articles/des-chercheurs-auraient-reussi-rajeunir-des-cellules-de-centenaires-2375.
• Pour réagir ou recevoir la lettre d'information: info@heales.org
• Source de l'image: http://www.flickr.com/photos/saroy/3738716341/sizes/m/in/photostream/