samedi 31 juillet 2010

La mort de la mort. Numéro 17. Juillet 2010.

Nous pourrions être la dernière génération de l'histoire de l'humanité à avoir une durée de vie normale. Nous n'avons pas besoin de connaître la cause du vieillissement pour le ralentir. (David Sinclair, biologiste, lors d'une conférence médicale Tedmed -Technology Entertainment Design- en 2009).

Thème du mois: L'âge extrême et la science-fiction



Une vie sans vieillissement semble un thème de prédilection de la science-fiction. Dans un autre monde ou dans un futur éloigné, les êtres humains du futur ou d'autres êtres intelligents vivraient sans que le simple écoulement du temps soit un facteur de décrépitude.

Et pourtant.

Pourtant, dans l'abondante littérature d'anticipation ou d'imagination, les récits décrivant une vie sans contrainte de l'âge sont quasiment absents. Et lorsque des hommes, des femmes ou d'autres êtres ne vieillissent pas, c'est au prix de souffrances majeures pour eux ou pour d'autres.

Voici les quatre catégories de fictions que vous pourrez rencontrer.

La prospective modérée. Ce sont probablement les récits les plus nombreux. La science-fiction explore les frontières du contemporain mais s'en éloigne en fait assez peu. Le monde est égalitaire mais les femmes y restent quand même à l'arrière plan. Ou bien les femmes sont devenues les égales des hommes, mais ils et elles sont restés de peau bien blanche. Avec la même modération, la science-fiction voit la médecine progresser et les êtres humains vivre un peu plus longtemps. Ils dépassent parfois le siècle mais rarement plus. Ainsi l'extraordinaire technologie médicale dans Star Trek n'empêche pas les héros de vieillir. Ou encore, comme dans les ouvrages récents Globalia ou La déclaration, les progrès de la médecine permettent d'atteindre un âge plus élevé mais limité et au prix de souffrances nombreuses, d'une dégradation progressive et d'injustices sociales.

Les univers dystopiques (anti-utopiques). Ils décrivent des environnements différents mais pire que le nôtre. Les hommes vivent sans mourir de vieillesse mais ils meurent d'autre chose. Le film (et le roman) L'âge de cristal où les hommes ne vieillissent pas mais sont mis à mort lorsqu'ils atteignent une trentaine d'années illustre ce thème. Il se peut également que les immortels souffrent atrocement comme dans le film Zardoz où un groupe d'humains accueille la possibilité de mourir comme une délivrance.

Les environnements artificiels. C'est un autre thème fréquent de science-fiction. Autrefois, il y avait des hommes et des robots. Les hommes sont partis, seules les machines subsistent affrontant l'éternité. Ou pire encore, par exemple dans Terminator, les robots sont immortels mais ils veulent détruire les humains. Parfois, comme dans le film A.I. Artificial Intelligence, le robot accédera à l'humanité. Mais cet accès se fera au prix de ce qui dans ces récits semble être la dernière spécificité de l'humain face aux machines douées de raison: la mort.

Les mutants. Enfin, la dernière catégorie concerne les environnements qui relèvent plus du fantastique que de la science-fiction. L'immortalité existe mais, pour une raison généralement inexpliquée, elle ne concerne que certains êtes différents. Et presque toujours, ces immortels subissent une sorte de malédiction: ils souffrent et font souffrir. Ainsi, les héros (presque) immortels de Highlander doivent s'entretuer. Les récits de vampires et de zombies quasiment indestructible forment en soi un genre entier de littérature et de cinématographie. Et dans lequel le sort tant des consommés que des consommateurs est rarement très enviable.


Pourquoi si peu de récits optimistes? Évidemment, les histoires où les gens sont heureux sont moins passionnantes. Mais il y a aussi une explication psychologique. Si nous commencions à espérer ne plus vieillir et mourir, cela rendrait par contraste la vie contemporaine difficilement supportable. Le conscient et l'inconscient peuvent pousser à éviter le sujet. L'espoir est un poison que même un écrivain se voulant détaché du réel hésite à infliger.

Mais les progrès de la recherche rendent l'exploration littéraire de ces perspectives plus aisées et plus proches. Le film récent Mr Nobody est la première œuvre d'anticipation à diffusion large dans laquelle les êtres humains "normaux" sont ceux qui vivent sans vieillir. Même si ce film aborde aussi d’autres questions et qu’il est encore assez pessimiste, le réalisateur belge Jaco Van Dormael franchit là une frontière.



La bonne nouvelle du mois: Le taux de cancer continue à diminuer régulièrement


Contrairement à ce que ce qui est souvent affirmé et perçu, la mortalité par cancer diminue régulièrement parmi les hommes, les femmes et les enfants. Trop de femmes meurent du cancer du sein mais elles sont moins nombreuses qu'auparavant. Trop d'enfants meurent de leucémie mais ils sont de moins en moins nombreux.

Ainsi aux États-Unis, selon des statistiques récemment publiées par l'American cancer society, la mortalité par cancer diminue continuellement depuis 20 ans. Par exemple:
- le taux total de mortalité par cancer était de 178.4 par 100,000 en 2007 alors qu'il était de 180.7 par 100,000 en 2006;

- le nombre de décès des suites du cancer a diminué de 2 % par année pour les hommes de 2001 à 2006 et d'1,5 % par année pour les femmes de 2002 à 2006.

La non-perception de cette nouvelle positive a plusieurs causes dont la principale est une autre bonne nouvelle. Imaginons des arbres perdant progressivement leurs feuilles mais certains beaucoup plus lentement que les autres. Après quelques semaines, l'impression sera que les arbres qui restent les plus fournis ont plus de feuilles qu'auparavant alors qu'ils sont seulement beaucoup moins dégarnis. Il en va de même avec les morts par cancer:comme les autres causes de mortalité diminuent rapidement, la diminution moins rapide des décès liés aux cancers apparait comme une progression.


dimanche 4 juillet 2010

25.000 logements publics bruxellois en 3.600 jours (Numéro 7). Juillet 2010. 3600 jours ou 383 ans?

Les accords gouvernementaux régionaux bruxellois de l'été 2009 sont ambitieux. Ils prévoient, d'ici à 2019, une augmentation radicale du nombre de logements publics par une norme à atteindre dans les 10 années à venir de 15% de logements de qualité à gestion publique et à finalité sociale.

C'est une mesure extrêmement volontariste que des dizaines de milliers de personnes attendent avec impatience dans une ville où il peut faire bon vivre lorsque le logement est assuré, mais où ledit logement engouffre la majorité du budget des plus démunis.

Plus d'un an après les élections régionales, les signes concrets incitent au pessimisme quelle que soit la bonne volonté des uns et des autres. La préoccupation affichée, réelle et théoriquement louable de concertation préalable s'accompagne d'une douloureuse absence d'avancées concrètes. Et des observateurs attentifs s'inquiètent de l'absence (quasi?) totale de projets nouveaux.

Or, l'objectif nouveau ne concerne plus seulement la construction ab nihilo de logements, mais aussi la transformation de bureaux et de biens à l'abandon en logements ainsi que la poursuite de constructions déjà entamées. Et les accords concernent des constructions et des transformations sur le court, moyen et long terme, c'est-à-dire, logiquement, à terme long de 10 ans, moyen de quelques années et court de quelques mois.

Pour les objectifs à terme de quelques mois, on peut déjà affirmer la certitude de l'échec. Alors que par contre, durant cette même période, un projet (il est vrai probablement mauvais) de la législature précédente a été abandonné et d'autres projets ont été revus à la baisse.

Si l'objectif gouvernemental était rempli, il faudrait construire, rénover et transformer. Un logement construit coûte en moyenne au moins 300.000 € tout compris (terrain, construction, ...). Une rénovation ou une transformation, parfaitement économe et efficace, pourrait coûter aux alentours de 50.000 € tout compris par habitation. Le strict minimum imaginable en moyenne par habitation réalisée peut donc être estimé à 100.000 € par logement concerné. En ce sens, comme quasiment aucun logement n'est encore créé, les autorités régionales et locales épargnent actuellement au moins 20 millions d'€ par mois.

Outre cette épargne au détriment des plus démunis, il faut rappeler que les propriétaires privés ne sont pas aussi lents. La ville s'agrandit d'environ 3.000 logements chers ou très chers par an Et, bien sût, tout comme quand on ajoute de l'eau salée à de l'eau déjà de moins en moins douce, la solution est de plus en plus saumâtre, en tout cas pour ceux qui se préoccupent de ceux qui n'ont pas les moyens de s'acheter de beaux logements neufs.

Au rythme actuel, il faudra 383 années pour réaliser l'objectif décennal de création de logements sociaux (sur base d'une hypothèse basse du nombre de logements à créer).

La présente lettre bimestrielle a pour objectif d'être un aiguillon pour favoriser la réalisation même partielle des objectifs.


Etat de la réalisation des 25.000 logements en 3.600 jours (connu au 10 juillet 2010):

  • nombre de logements publics nouveaux construits: 68
  • nombre de logements publics créés à partir de bureaux transformés: 0
  • nombre de logements publics créés à partir de logements et autres immeubles abandonnés: 0
  • nombre de logements publics créés par d'autres moyens (acquisitions, locations,...): 0
  • (-) Suppressions de logements publics (acquisition par les locataires, destructions,...): 0
  • Nombre total de logements publics nouveaux réellement créés: 68
  • Temps écoulé : 12 mois depuis les accords politiques (13 mois depuis le début de la législature)
  • Temps restant pour achever la mise à disposition des logements : 109 mois
  • Temps qui sera nécessaire au rythme actuel de réalisation pour achever la mise à disposition des 25.000 logements : 383 ans
  • Nombre total de logements publics qui devraient en principe être créés durant le temps écoulé (sur la base de 200 logements par mois): 2.600
  • Somme minimale économisée par les autorités régionales ou locales bruxelloises aux dépens des personnes qui occuperaient les logements: 254.000.000 €


Informations complémentaires:

- Le texte de l'accord de gouvernement 2009-2014 du 12 juillet 2009 est accessible à la page
http://www.parlbruparl.irisnet.be/images/imgparl/accords2009/accordsfr.pdf.

-
Le Rassemblement bruxellois pour le droit à l'habitat analysant les réalisations en matière de logement de la première année de politique gouvernementale bruxelloise (et octroyant un cote de 1/20) annonce: Quant au logement social, il semble que ce Gouvernement entreprenne surtout des actions dans le but d’optimaliser l’utilisation du parc existant. Pour la création de logements sociaux supplémentaires, le Gouvernement entend réaliser une grande partie du Plan Logement adopté en 2004, en construisant des logements verts et adaptés, mais il n’est pour le moment pas question d’un nouveau plan qui prévoirait les milliers de logements sociaux nécessaires.

- Un site http://www.planlogement.be avait été réalisé par le Secrétariat d'Etat bruxellois au Logement et à l'Urbanisme de la législature précédente. Seule la page d'accueil du site est encore accessible, mais le contenu a été supprimé. il y a quelques mois.


Si vous me communiquez des informations pertinentes, elles seront diffusées dans la prochaine lettre.

Didier Coeurnelle, conseiller communal à Molenbeek-Saint-Jean

Source de l'image

La mort de la mort. Numéro 16. Juin 2010.

Je n'ai pas peur de mourir, j'ai peur de ne pas avoir assez vécu (Némo Nobody, le héros du film "Mister Nobody", le dernier être humain à mourir de vieillesse en 2092)



Thème du mois: Courte approche internationale de la lutte pour une vie plus longue.



Les Etats-Unis ont toujours une génération d'avance dit-on parfois. C'est en tous cas au coeur de l'Amérique du Nord que le premier ouvrage à vocation scientifique et à forte diffusion sur ce thème fut écrit "The Prospect of Immortality" par Robert Ettinger, dès l'année 1962. Et Bill Clinton déclarait à la maison blanche, en octobre 1999, We want to live forever, and we're getting there (Nous voulons vivre pour toujours et nous y arriverons).

Des millénaires auparavant, le premier écrivain (ou plus probablement les premiers écrivains) qui s'attaqua littérairement à la grande faucheuse était un des tous premiers auteurs de l'histoire littéraire de l'humanité. Son nom s'est perdu dans la nuit des temps. Mais l'épopée de Gilgamesh, son œuvre, est un récit de lutte sans succès pour l'immortalité qui se déroulait dans les plaines de la Mésopotamie à une époque où l'écriture venait à peine d'être inventée.

Bien plus tard, un des premiers philosophes connus qui envisagea que la science permette une vie presque sans limitation vécut en France au 18ème siècle. Il s'agissait du marquis de Condorcet qui écrivit "Serait-il absurde, maintenant, de supposer que ce perfectionnement de l'espèce humaine doit être regardé comme susceptible d'un progrès indéfini, qu'il doit arriver un temps où (...) la durée de l'intervalle moyen entre la naissance et cette destruction n'a elle-même aucun terme assignable? . Et c'est en France aussi, à Arles, que vécut jusqu'à 122 ans, Jeanne Calment, la femme qui atteint l'âge le plus élevé de l'histoire de l'humanité.

Pour des raisons de niveau économique, de traditions alimentaires mais aussi probablement de patrimoine génétique, c'est au Japon et à Hong-Kong que l'espérance de vie est actuellement la plus haute au monde. C'est aussi en Asie que les technologies progressent le plus rapidement dans les domaines de la robotique. Il s'agit d'aider les personnes âgées à pouvoir être autonomes grâce à des moyens technologiques qui n'existent pas encore.

Dans la Russie présoviétique est né un mouvement philosophique, d'inspiration partiellement chrétienne orthodoxe, le cosmisme. Un de ses plus célèbre propagateurs, Nikolaj Fedorov estimait que l'immortalité des êtres humains, d'un point de vue éthique mais même d'un point de vue scientifique (!) devait concerner non seulement les générations qui nous succéderont mais même devrait un jour permettre de faire revenir à la vie ceux déjà décédés.

C'est en Chine que les efforts les plus gigantesques ont été effectués il y a déjà des millénaires pour permettre une vie sans vieillissement. Il y a 2220 ans, Qin Shihuangd, le premier empereur mourait, probablement notamment suite à l'ingestion de mercure qui était censé lui permettre d'accéder à l'immortalité. Ce fut une tradition millénaire des alchimistes de l'empire du milieu de chercher le secret d'une vie sans limites. Et des recherches intenses se poursuivent également, notamment pas très loin en Corée afin de mieux comprendre et maîtriser les cellules-souches qui pourraient un jour diminuer considérablement les mécanismes du vieillissement.

Enfin, une des plus belles raisons d'agir pour une vie en bonne santé beaucoup plus longue a été décrite par le sénégalais Amadou Hampaté Bâ "Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle".

Mais le futur d'une vie avec un vieillissement négligeable est peut-être ailleurs. Peut-être dans la mer des Caraïbes d'où provient une étrange méduse qui se répand de par le monde. Turritopsis nutricula a un cycle de vie qui comprend une phase d'avancée en âge jusqu'à la maturité sexuelle et puis une phase de rajeunissement qui fait que cet étrange invertébré de petite taille semble ne jamais mourir de vieillesse. Peut-être, faut-il chercher dans les déserts de l'est africain où e rat-taupe-nu est un rongeur qui vit une trentaine d'années, bien plus longtemps que les rongeurs ordinaires ou encore près des côtes islandaises ou a été découvert un "quahog nordique", petit mollusque venu du froid et ayant atteint l'âge de 400 ans.

Encore que le futur d'une vie beaucoup plus longue en bonne santé se trouve le plus probablement dans ce qui n'est pas un lieu géographique mais virtuel, le lieu de la rencontre d'idées et de techniques venus de laboratoires d'origines multiples et qui n'existait pas pour la plupart d'entre nous il y a moins de 15 ans. C'est-à-dire une éternité en terme de progression technologique.



La bonne nouvelle du mois: Premiers poumons "régénérés" chez les rats.



Dans un laboratoire du Connecticut, dans l'Université de Yale, des scientifiques ont "décellularisé" des poumons de rats, c'est-à-dire qu'ils n'ont gardé des poumons que la structure. Ils ont ensuite "recellularisé" ces poumons avec des cellules souches et puis réalisé une greffe de ces organes sur d'autres rats. Les poumons ont permis aux animaux de respirer pendant quelques heures.

Cette expérience illustre la progression constante en matière de régénération cellulaire. Les greffes de poumons ont actuellement un taux d'échec très important. Il reste encore cependant bien des étapes avant une greffe similaire chez l'être humain notamment vu la différence de taille de l'organe respiratoire. Et plus de chemin encore pour d'autres organes.