jeudi 13 mai 2010

25.000 logements publics bruxellois en 3.600 jours (Numéro 6). Mai 2010.

Les accords gouvernementaux régionaux bruxellois de l'été 2009 sont ambitieux. Ils prévoient, d'ici à 2019, une augmentation radicale du nombre de logements publics par une norme à atteindre dans les 10 années à venir de 15% de logements de qualité à gestion publique et à finalité sociale.

Il semble que le pourcentage actuel de logements publics soit de 10 % mais les chiffres exacts ne sont pas connus. Concrètement, pour atteindre la norme, environ 25.000 logements publics devraient donc être créés en deux législatures (de 20 à 35.000 logements selon les estimations). Il s'agit donc d'au moins 200 logements par mois.

C'est une mesure extrêmement volontariste que des dizaines de milliers de personnes attendent avec impatience dans une ville où il peut faire bon vivre lorsque le logement est assuré, mais où ledit logement engouffre la majorité du budget des plus démunis.

Onze mois après les élections régionales et dix mois après la création du nouveau gouvernement, les signes concrets incitent au pessimisme quelle que soit la bonne volonté des uns et des autres. La préoccupation affichée et théoriquement louable de concertation préalable cache de moins en moins la douloureuse absence d'avancées concrètes.

L'objectif nouveau ne concerne plus seulement la construction ab nihilo de logements, mais aussi la transformation de bureaux et de biens à l'abandon en logements ainsi que la poursuite de constructions déjà entamées. Et les accords concernent des constructions et des transformations sur le court, moyen et long terme, c'est-à-dire, logiquement, à terme long de 10 ans, moyen de quelques années et court de quelques mois.

Pour les objectifs à terme de quelques mois, on peut déjà affirmer la quasi-certitude de l'échec. En effet, jusqu'ici, rien de concret n'est annoncé dans ces domaines. Alors que par contre, le temps passé a permis d'abandonner un projet de la législature précédente et de revoir d'autres projets à la baisse.

Si l'objectif gouvernemental était rempli, il faudrait construire, rénover et transformer. Un logement construit coûte en moyenne au moins 300.000 € tout compris (terrain, construction, ...). Une rénovation ou une transformation, parfaitement économe et efficace, pourrait coûter aux alentours de 50.000 € tout compris par habitation. Le strict minimum imaginable en moyenne par habitation réalisée peut donc être estimé à 100.000 € par logement concerné. En ce sens, comme quasiment aucun logement n'est encore créé, les autorités régionales et locales épargnent actuellement au moins 20 millions d'€ par mois.

Outre, cette épargne au détriment des plus démunis, il faut rappeler que les propriétaires privés ne sont pas aussi lents. La ville s'agrandit d'environ 3.000 logements chers ou très chers par an et, bien sût, tout comme quand on ajoute de l'eau salée à de l'eau déjà de moins en moins douce, la solution est de plus en plus saumâtre en tout cas pour ceux qui se préoccupent de ceux qui n'ont pas les moyens de s'acheter de beaux logements neufs.

La présente lettre bimestrielle a pour objectif d'être un aiguillon pour favoriser la réalisation même partielle des objectifs.


Etat de la réalisation des 25.000 logements en 3.600 jours (connu au 10 mai 2010):

  • nombre de logements publics nouveaux construits: 58
  • nombre de logements publics créés à partir de bureaux transformés: 0
  • nombre de logements publics créés à partir de logements et autres immeubles abandonnés: 0
  • nombre de logements publics créés par d'autres moyens (acquisitions, locations,...): 0
  • (-) Suppressions de logements publics (acquisition par les locataires, destructions,...): 0
  • Nombre total de logements publics nouveaux réellement créés: 58
  • Temps écoulé : 10 mois depuis les accords politiques (11 mois depuis le début de la législature)
  • Temps restant pour achever la mise à disposition des logements : 109 mois
  • Nombre total de logements publics qui devraient en principe être créés durant le temps écoulé (sur la base de 200 logements par mois): 2.200
  • Somme minimale économisée par les autorités régionales ou locales bruxelloises aux dépens des personnes qui occuperaient les logements: 215.000.000 €


Informations complémentaires:

- Un site http://www.planlogement.be avait été réalisé par le Secrétariat d'Etat bruxellois au Logement et à l'Urbanisme de la législature précédente. Seule la page d'accueil du site est encore accessible, mais le contenu a été supprimé. il y a quelques mois Il semble qu'un site nouveau doit être réalisé à terme par l'administration mais ceci semble presque aussi complexe à construire qu'un logement social en vraies briques.

- Le texte de l'accord de gouvernement 2009-2014 du 12 juillet 2009 est accessible à la page
http://www.parlbruparl.irisnet.be/images/imgparl/accords2009/accordsfr.pdf.

- Selon la lettre d'information du Service public de programmation Intégration sociale: La pénurie de logements sociaux fait en sorte que les sociétés de logements sociaux procèdent d’une manière plus sélective à la location de leurs logements et qu’en raison des loyers élevés sur le marché locatif privé, les bureaux sociaux de location se voient obligés de demander des prix élevés pour leur sous-location. Source http://www.mi-is.be, 7 mai 2010.


Si vous me communiquez des informations pertinentes, elles seront diffusées dans la prochaine lettre.

Didier Coeurnelle, conseiller communal à Molenbeek-Saint-Jean

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mercredi 5 mai 2010

La mort de la mort. Numéro 14. Avril 2010.

Tôt ou tard, il devrait être possible de trouver le remède non seulement contre telle ou telle maladie, mais contre la véritable fatalité – contre la mort. En somme, le remède de l’immortalité devrait exister. Aujourd’hui aussi les hommes sont à la recherche de cette substance curative. La science médicale actuelle s’efforce, non d’exclure à proprement parler la mort, mais d’en éliminer toutefois le plus grand nombre possible de causes, de la reculer toujours plus ; de procurer une vie toujours meilleure et plus longue. Extrait de l'homélie du Pape Benoît XVI, 3 avril 2010



Thème du mois: une vie beaucoup plus longue et la religion catholique



Jusqu'ici les religions sont comme les hommes, elles meurent de vieillesse ou d'accident. Plus personne ne croit en Zeus, Jupiter, Amon ou le serpent à plumes. Mais ceci ne prouve ni que toutes les religions existantes disparaîtront ni que les hommes mourront toujours de vieillesse. Le passé éclaire le futur; il ne l'enferme pas.

Si certains pensent que les avancées scientifiques sont contre la religion, en fait cela peut être l'inverse. Si des époques ont été marquées par le refus d'admettre la possibilité que la terre tourne, aujourd'hui le pape lui même peut parfois faire plutôt figure de précurseur. C'est que nous assistons à un tournant.

Beaucoup, si pas toutes les religions, promettent une vie après la mort. Voici deux millénaires que la religion catholique annonce, pour les hommes et les femmes, le retour de tous à la vie dans le futur. Alors que bien des notions comme celles de diable, d'enfer s'étiolent, la croyance en une vie après la mort reste généralement présente chez les chrétiens.

Mais que déclare la religion catholique à propos d'une vie beaucoup plus longue avant la mort. Est-ce souhaitable?

Selon la Bible, Adam et Ève ne pouvaient au départ pas vieillir, ce n'est qu'après avoir goûté au fruit de l'arbre de la connaissance qu'ils furent atteints. Toujours dans la Bible, avant le déluge, les hommes vivaient bien plus longtemps et atteignaient, ce que nous appelons encore des âges "bibliques" ou " canoniques. Mathusalem aurait ainsi atteint l'âge de 969 ans.

A l'occasion de la fête de Pâques, le pape s'est prononcé au sujet d'une vie beaucoup plus longue. De manière a priori assez surprenante, il estime que l'homme trouvera tôt ou tard le remède contre le vieillissement. Cela s'explique probablement par le fait que le dirigeant de l'église catholique est conseillé notamment par des scientifiques bien informés. Mais il poursuit en écrivant que si cela devait arriver L’humanité vieillirait dans une proportion extraordinaire, il n’y aurait plus de place pour la jeunesse. La capacité d’innovation s’éteindrait et une vie interminable serait, non pas un paradis, mais plutôt une condamnation.

Il pourrait être d'abord rétorqué au pape que la population mondiale n'a jamais été aussi âgée qu'aujourd'hui dans l'histoire de l'humanité. Et que sa force d'innovation n'a jamais été aussi forte. Et que même un pape de 83 ans (Benoit XVI) a encore des capacités d'innovation! Certains pourraient même accuser les autorités catholiques de craindre que le catholicisme qui promet la résurrection après la mort perde de son attrait si nous pouvons vivre très longtemps avant la mort.

Mais, par-delà ces arguments, plus pragmatiquement, il peut être rappelé que jusqu'à ce jour, en ce qui concerne les progrès médicaux, des réticences sont apparues dans le monde chrétien au début des progrès et tant qu'ils étaient en élaboration. Mais elles ont disparu une fois le progrès technique établi. Il en a été ainsi par exemple pour les analgésiques et pour les dissections.

Rien, dans la religion catholique n'interdit la prolongation de la vie et donc aucune limite n'est fixée. Au contraire, le fait d'aider son prochain à vivre mieux est considéré comme souhaitable et la Bible a de nombreuses reprises décrit des vies beaucoup plus longues que les actuelles.

Il est donc permis d'envisager que les déclarations du pape s'adaptent aux évolutions de santé et technologiques à venir tout comme la religion catholique s'est adaptée par le passé. L'homélie du pape du 3 avril 2010 est un premier pas de prise de conscience de ces évolutions.



Les bonnes nouvelles du mois



Les Etats de l'Union européenne unissent leurs forces pour la recherche sur le vieillissement

Des chercheurs de toute l'Europe se sont réunis en Suède le 15 avril pour élaborer une nouvelle stratégie pan-européenne pour lutter contre des maladies neurodégénératives comme la maladie d'Alzheimer et la maladie de Parkinson.

Cette mesure est la première initiative conjointe visant à répondre aux "grands défis" ne pouvant être résolus par un État membre agissant seul. Plus d'informations: http://www.euractiv.com/en/science/eu-countries-join-forces-on-ageing-research-news-448949.

La fondation Methusalem a créé un prix: le "Neworgan Prize". Il met au défi les scientifiques de réaliser, avant 2020, la transplantation d'un organe (foie, rein, cœur,...) créé à partir des propres cellules du patient. Plus d'informations: http://www.mfoundation.org.

samedi 1 mai 2010

Petit plaidoyer progressiste et technoprogressiste (1er mai 2010)

Depuis mai 2009, l'espérance de vie en bonne santé a augmenté d'environ un trimestre dans la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vivorde et de près d'un semestre au Bangladesh. Des millions de citoyens néerlandophones, francophones et du reste du monde qui seraient morts au cours des douze derniers mois sans progrès de santé et croissance économique coulent aujourd'hui des jours relativement paisibles.

Jusqu'au début du 20ème siècle au moins, le désir de progrès technique et le désir d'égalité sociale étaient liés. La gauche rêvait de lendemains qui chantaient. Ces lendemains étaient faits de plus d'égalité, de plus de biens et d'un monde plus facile à vivre matériellement et technologiquement.

Aujourd'hui, les progressistes ne rêvent plus guère de progrès technique. Ce n'est pas parce que les progrès, avant de bénéficier à tous, profitent d'abord aux riches et créent parfois du chômage pour les travailleurs pauvres, car cela a été le cas depuis des siècles. C'est probablement plus dû au traumatisme de l'échec de l'Union soviétique qui se réclamait presque indissociablement du communisme et du progrès technique. Et plus récemment, le développement des pollutions a mené beaucoup de progressistes à vouloir "renverser la vapeur" là où il fallait plutôt la purifier et donc orienter autrement.

Aujourd'hui, en termes d'abondance, les lendemains ont chanté largement dans les pays du Nord, mais aussi dans les pays du Sud. Contrairement à ce que beaucoup affirment, l'accélération est non pas moindre, mais plus extraordinaire encore dans les pays du Sud. La mortalité infantile qui était une source majeure de décès poursuit sa diminution et ceci même dans la majorité des Etats de l'Afrique subsaharienne, malgré les ravages de la malnutrition et de l'épidémie de Sida.

Dans ce cadre de progrès humains globaux sans équivalent dans l'histoire de l'humanité, le téléphone mobile est le premier objet courant jamais passé du statut de bien de luxe à celui d'outil accessible à la majorité des citoyens du monde en moins d'une génération. D'ici moins d'une décennie, la majorité des citoyens sachant lire aura vraisemblablement accès à des mobiles connectés à internet. Une part importante des connaissances collectives universelles sera accessible à presque tous presque sans coût et sans discrimination. Et ainsi, même les citoyens pauvres du Sud auront accès à plus de connaissance que ce qui était accessible aux plus riches habitants des pays du Nord il y a à peine un siècle.

Dans les développements à court et moyen terme, les progressistes gagneraient à être technoprogressistes. Ils pourraient exiger que chaque citoyen ait droit à un téléphone mobile (avec des rayonnements faibles, mais avec des accès forts à des services collectifs) plutôt que de se concentrer sur les dangers de ces appareils. Ils gagneraient à proposer que Google, Wikipédia et d'autres sites internet fonctionnent comme des services publics de plus en plus développés plutôt que d'intervenir presque exclusivement par rapport aux dangers de Google et de ses concurrents.

Une gauche proactive pourrait exiger des investissements publics importants pour permettre à tous de vieillir beaucoup moins dans quelques décennies. Aujourd'hui les différences entre espérances de vie au Sud et au Nord s'amenuisent. Mais si les recherches pour une meilleure santé et une vie plus longue sont envisagés avec méfiance, les progrès seront réservés aux plus aisés, seuls capables de s'offrir les soins.

Une gauche favorable aux progrès pourrait plus globalement réclamer des investissements technologiques collectifs plus importants dans les domaines médicaux, de diffusion des connaissances et de gestion des énergies. Dans ce dernier domaine heureusement, les écologistes et la gauche semblent devenir ou redevenir technoprogressistes, mais en axant l'essentiel de leur énergie sur la problématique du réchauffement climatique. Ceci alors que la question environnementale principale, proche, mais pas identique, est celle de la mise à disposition suffisante et rapide d'énergies abondantes, non polluantes et renouvelables.

Ces avancées fantastiques ne résolvent pas (encore?) tous les problèmes de bien-être. Ceci s'explique notamment parce que l'abondance est un instrument insuffisant pour permettre le bonheur de tous. Ceci s'explique également parce que, au-delà d'un certain niveau de confort matériel, la perception du bien-être se fait presque exclusivement par comparaison avec le niveau matériel des autres, lequel niveau progresse aussi. Il reste donc à la gauche (et pas qu'à elle) à découvrir comment augmenter le bonheur dans une économie d'abondance où le lait et le miel des temps bibliques coulent tellement pour tous que cela ne nous satisfait plus.

Pourquoi encore la gauche doit-elle être technoprogressiste? Parce que c'est ainsi que se développera le mieux l'égalité du futur. Mais aussi parce que les conquêtes technologiques rapides comprennent des risques immenses non pas seulement dans les développements déjà en cours souvent abordés (pollutions, effets de serre, risques pour la vie privée, fracture numérique,...) mais également dans les développements à moyen terme. Ce sont des risques existentiels liés à la maîtrise de plus en plus absolue de la structure du vivant, de la matière et peut-être à terme au développement de l'intelligence artificielle. Et le principe de précaution dans une société évoluant, ce n'est pas toujours arrêter les modifications technologiques, cela peut-être au contraire les accélérer pour sauver des vies et diminuer des risques.

Pour que le progrès technique ait le plus de chance d'être aussi un progrès tout court, pour que les lendemains extraordinaires soient aussi des lendemains qui chantent, un des éléments favorables est une gauche proactive, capable de faire primer paix, égalité, justice et souci du bien commun sur les mécanismes visant les intérêts financiers et matériels à court terme.

Il faut penser globalement pour agir localement. Il faut aussi penser au long terme pour agir à court terme. Et notamment en comprenant que l'accélération technologique a entre autres pour conséquence que le long terme du 21ème siècle est beaucoup plus proche que le long terme des siècles précédents. La science-fiction d'aujourd'hui, rêve ou cauchemar, voire plus probablement rêve et cauchemar, ne sera pas seulement la réalité de nos enfants, ce sera aussi la nôtre.



• Pour en savoir un peu plus: voir notamment http://technoprog-fr.blogspot.com
• Pour des informations statistiques relatives aux progressions en matière
d'espérance de vie: http://www.gapminder.org
• Ce texte est une version actualisée d'un texte distribué en mai 2009. Rendez-vous au 1er mai 2011!







Source des images:
http://www.flickr.com/photos/ghirigoribaumann/2970618023/ et http://www.flickr.com/photos/surfstyle/277576227